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  >  Digital nomade   >  Digital nomads et gentrification : voyager consciemment

Le nomadisme digital est une nouvelle forme de tourisme de plus en plus populaire et le nombre de travailleurs à distance ne fera qu’augmenter ces prochaines années. Alors que le tourisme est généralement bénéfique pour les destinations, il provoque aussi des effets secondaires. On peut, par exemple, citer la transformation de la culture locale, la rareté des ressources et l’augmentation des loyers, par exemple. Parmi les conséquences négatives, la gentrification est l’une des plus importantes. Les habitants commencent à se plaindre, et je ne peux pas dire qu’ils n’ont pas raison. Explorons la relation entre digital nomads et gentrification, avant de se concentrer sur de possibles solutions.

DANS CET ARTICLE :

Qu'est-ce qu'un nomade digital ?

Les nomades numériques sont des personnes qui travaillent en freelance ou pour une entreprise à distance. Ils sont social media managers, professeurs de langues, graphistes ou développeurs web, entre autres. Ils viennent majoritairement des États-Unis et de l’Europe de l’Ouest, même s’il est de plus en plus fréquent de rencontrer des gens du reste du monde. Ils gagnent en dollars ou en euros et préfèrent souvent voyager dans des pays où le coût de la vie est bien inférieur à celui de leur pays d’origine. Cela signifie que leur pouvoir d’achat est normalement supérieur à celui des locaux.

Qu'est-ce que la gentrification ?

La gentrification est un phénomène socio-économique caractérisé par l’afflux de résidents et d’entreprises riches transformant certaines zones urbaines. Ce processus entraîne habituellement une augmentation des prix de l’immobilier et une rupture du tissu culturel et social du quartier. Bien qu’elle puisse apporter des changements positifs tels que de meilleures infrastructures et des taux de criminalité en baisse, la gentrification soulève aussi des inquiétudes quant au déplacement des résidents de longue date à revenu faible qui ne peuvent plus se permettre de vivre dans la zone.

digital nomads et gentrification

Gentrification = colonialisme ?

Pour être honnête, la gentrification et le colonialisme ont des significations différentes, mais la gentrification peut parfois ressembler à une forme de colonisation culturelle ou économique, avec l’arrivée de nouveaux résidents plus riches, remodelant les paysages et marginalisant les communautés existantes.

Si tant de personnes (moi y compris) pensent que les nomades digitaux sont une sorte de néo-colonisateurs, c’est car :

  • La plupart du temps, les travailleurs à distance sont des personnes blanches venant de pays riches (États-Unis et Europe de l’Ouest).
  • Ils ont souvent peu d’intérêt pour les communautés locales. Au lieu de voyager pour découvrir de nouvelles cultures, les nomades digitaux vont généralement dans des endroits pour reproduire le mode de vie de leur pays d’origine sans chercher à s’intégrer et à adopter de nouvelles habitudes.
  • Ils ne se soucient guère de la disparition de la culture locale et du fait que les habitants soient exploités tant que cela leur bénéficie (pour de jolis cafés et des espaces de coworking branchés).
  • Ils contribuent à la gentrification et perpétuent les mythes de la suprématie occidentale.
  • Ils ne comprennent pas leurs privilèges et traitent les pays du Sud comme leur terrain de jeu.

Le problème, c’est que la plupart des digital nomads ne sont pas conscients de tout ça. Ils le font souvent de manière inconsciente, ne voient pas comment leurs pratiques peuvent être nuisibles et, la plupart, n’ont aucune envie qu’elles ne le soient. Leurs comportements sont simplement le fruit d’un manque d’information ou, car ils ne prennent pas le temps d’y réfléchir et de se mettre à la place des habitants, qui sont le plus souvent les descendants de personnes colonisées et souffrent toujours des conséquences du colonialisme plusieurs décennies après. Pendant que vous savourez votre latte à 5 euros, le serveur qui vous sert gagne peut-être 5 euros par jour.

IMPACtS DES digital nomads SUR LA gentrification

Comme je l’ai dit auparavant, les nomades digitaux ont des revenus plus élevés que les habitants des pays qu’ils visitent. Les Américains gagnent plus d’argent que les Espagnols, les Français gagnent plus d’argent que les Indonésiens et les Allemands gagnent plus que les Colombiens. Bien sûr, il y a toujours des exceptions, mais vous comprenez l’idée générale. Cela signifie qu’ils peuvent payer plus cher pour la même chose. Voici le problème principal, mais ce n’est pas le seul.

Des loyers qui explosent

Étant donné que les nomades digitaux ont plus d’argent, ils paient des logements plus chers, et les propriétaires en profitent pour demander plus d’argent. Quand les travailleurs à distance peuvent payer ces tarifs, cela devient impossible pour les locaux de le faire. Les prix des loyers deviennent donc trop élevés pour les habitants qui ne peuvent pas louer de logements dans leurs quartiers ou villes. Ils ont alors deux solutions : choisir un logement de mauvaise qualité qu’ils peuvent se permettre ou partir. La crise du logement est bien réelle. De plus, les nomades digitaux apprécient les jolis endroits, bien situés et sûrs, donc ils vont tous dans les mêmes quartiers, intensifiant encore la gentrification. C’est le cas, par exemple, dans certaines colonias de Mexico : Roma, Polanco, Nápoles, et plus encore.

Les quartiers changent

Évidemment, étant donné que les nomades digitaux représentent une source de revenus plus importante que celle des habitants locaux, les entreprises s’intéressent à leur porte-monnaie. Leur objectif est de créer des entreprises qui répondent aux besoins de la nouvelle population. Cela signifie que de plus en plus de cafés branchés, de salles de sport et d’espaces de coworking… ouvrent leurs portes, remplaçant ainsi les petites entreprises locales auxquelles les locaux sont habitués. Les habitants ne reconnaissent plus leurs quartiers et, par conséquent, ont moins d’endroits où se retrouver, ce qui entraîne une vie sociale moins riche.

Le mode de vie local disparaît lentement

Et la langue aussi… Dans certains endroits, même si vous parlez la langue locale, on vous parlera et on vous remettra un menu en anglais. La musique dans les bars et les boîtes de nuit, celle que les locaux aiment, est remplacée par de la musique américaine. Les restaurants et les bars adaptent leurs horaires aux habitudes des touristes, car ce ne sont pas seulement les nomades digitaux qui influent, mais aussi les touristes en général. La nourriture est également adaptée aux goûts de ces nouveaux clients, donc il y a moins de plats typiques au menu ou les ingrédients changent avec moins épicé, par exemple.

Les nomades digitaux sont-ils responsables de la gentrification ?

Je pense vraiment que nous avons une responsabilité dans la gentrification, en raison de notre comportement pas toujours correct vis-à-vis des destinations dans lesquelles nous posons nos valises. Au lieu de chercher des logements à des prix raisonnables, nous disons simplement oui à tout ce qui est légèrement moins cher comparé à ce que nous payons chez nous. Nous sommes ravis de pouvoir prendre un matcha latte dans un café qui ressemble exactement à notre endroit préféré à la maison. Et nous aimons faire nos achats dans des magasins bio où aucun habitant ne mettrait les pieds.

Mais, quand je dis nous, je n’oublie pas que certains digital nomads se sentent concernés par ce problème. Ils essaient donc d’agir de manière responsable et d’avoir le moins d’impact possible. Comme j’aime le dire, nous ne sommes pas tous des ennemis. Une chose est sûre, même si nous faisons partie du problème, nous ne sommes pas les seuls responsables.

Et les nationaux ?

En ce qui concerne l’hébergement, par exemple, ce sont les habitants (je ne parle évidemment pas des grandes sociétés immobilières) qui fixent les prix sur des plateformes telles qu’Airbnb et qui décident de les fixer plus haut. Je comprends, si vous voulez gagner de l’argent et que vous savez que certaines personnes seront prêtes à payer, pourquoi le pas le faire ? Ils ont donc aussi une part de responsabilité dans la crise du logement, surtout, ils préfèrent louer à des touristes ou des nomades digitaux plutôt qu’à des locaux. Ils participent ainsi à la diminution des chambres ou des appartements disponibles pour les habitants.

Certains nationaux sont également beaucoup plus intéressés à dépenser de l’argent dans des entreprises occidentalisées branchées qu’à acheter des produits ou de la nourriture dans des entreprises locales typiques. Il y a aussi une question de pouvoir d’achat plus élevé parmi les nationaux du même pays qui peut affecter la gentrification et y participer.

Et les grandes entreprises ?

Dans de nombreuses villes, de grandes entreprises immobilières achètent plusieurs immeubles pour créer des espèces de grands hôtels Airbnb. Elles participent ainsi à l’augmentation des prix et à la réduction des logements disponibles pour les résidents qui ne peuvent pas se permettre de loger dans ces endroits et préféreraient des options à long terme de toute façon. Les chaînes alimentaires, de mode ou d’hôtels ont aussi un rôle à jouer dans la gentrification lorsqu’elles décident d’implanter de nouveaux magasins dans des quartiers qui souffrent déjà de la gentrification. Étant donné que ce genre d’entreprise n’est pas vraiment guidé par des valeurs éthiques, cela n’a donc rien d’étonnant.

Et les gouvernements ?

Les gouvernements du monde entier sont bien conscients que la crise du logement est une réalité pour leurs citoyens qui les empêche de plus en plus d’avoir des conditions de vie décentes. Cependant, beaucoup d’entre eux ne prennent aucune mesure pour réguler les prix des loyers ou la location sur Airbnb. Ils permettent également aux digital nomads à fort pouvoir d’achat de s’établir dans leur pays grâce à des conditions assouplies et les attirent souvent avec une politique de non-imposition.

Et, pour moi, les gouvernements sont les vrais problèmes. En effet, c’est à eux de faire des lois qui protègent leurs résidents et leur donnent, au moins, les mêmes chances de vivre une vie décente dans leur propre pays. Si nous ne réglementons pas le marché, peu importe si les nomades digitaux viennent ou non et acceptent de payer des prix déraisonnables, le problème ne disparaîtra pas.

En quelques mots, les nomades digitaux ne sont pas les seuls responsables de la gentrification, et si les gouvernements ne prennent pas de mesures pour protéger leurs résidents et leurs citoyens, le problème ne prendra jamais fin.

mon opinion sur la responsabilité des digital nomads

Bien sûr, je fais partie du problème. Impossible de le nier. Cependant, je fais partie des personnes qui veulent changer les choses et qui essaient de faire de leur mieux pour ne pas participer à la gentrification. Pourquoi ?

  • Je suis née dans un pays colonisé. Même si je n’y ai jamais vécu, c’est une partie de mon identité. Je me suis informée sur ce sujet et je suis bien consciente des conséquences du colonialisme sur les territoires et les populations locales.
  • J’ai vécu dans le centre-ville de Madrid pendant 7 ans. Je considère Madrid comme ma ville, je suis résidente espagnole depuis 2011, mon entreprise y est matriculée, j’y ai la majorité de mes amis, mais je ne peux plus y vivre à plein temps. La crise du logement est si importante, que je ne peux plus me permettre de louer un appartement là-bas, que ce soit dans le centre-ville, ou en dehors. J’ai vu mon quartier changer, les personnes âgées obligées de partir vivre loin, perdant ainsi leur tissu social, mais aussi leurs médecins, les commerces de toda la vida remplacés par des cafés branchés et des boutiques de mode, l’anglais, le français et l’allemand devenant plus parlés que l’espagnol…
  • Je voyage pour rencontrer des gens et mieux comprendre la vie à travers le monde. Ainsi, je passe beaucoup de temps à parler avec les habitants, à comprendre leurs problèmes pour agir de manière bénéfique. Lors de mes voyages, je rencontre des personnes qui souffrent de la gentrification, et évidemment, je les vois lutter et je ne veux pas aggraver leur situation en raison de mon mode de vie.

Si je suis maintenant une digital nomad, c’est pour de nombreuses raisons, mais aussi parce que je ne peux pas revenir toute l’année à Madrid, car il n’y a pas d’appartement décent pour une seule personne à moins de 1 000 euros, alors que le salaire minimum espagnol est de 1 080 euros. On pourrait penser qu’en tant que freelancer, je gagne beaucoup plus d’argent, eh bien non. Je ne me plains pas, je veux juste mettre en lumière le fait que tous les nomades numériques ne gagnent pas 5 000 euros par mois.

Pour ces raisons, je m’inquiète de la gentrification dans les endroits que je visite. C’est pourquoi je fais de mon mieux pour être un nomade numérique conscient et limiter au maximum mon impact négatif.

Comment éviter de contribuer à la gentrification en tant que digital nomad ?

La bonne nouvelle, si vous êtes un nomade numérique conscient, c’est qu’il existe une série d’actions que vous pouvez entreprendre pour éviter d’aggraver la gentrification dans les endroits que vous souhaitez visiter :

  • Renseignez-vous sur l’impact de la gentrification dans les destinations et identifiez les points sur lesquels vous pouvez avoir un impact concret.
  • Essayez de ne pas utiliser des plateformes telles qu’Airbnb, et privilégiez le contact direct avec les habitants pour trouver un logement. Je sais que ce n’est pas facile du tout, surtout si c’est votre première fois.
  • Renseignez-vous sur les fourchettes de prix locales raisonnables pour la location d’une chambre ou d’un appartement.
  • Choisissez des hébergements qui se situent autour de ces prix.
  • N’optez pas pour les quartiers les plus gentrifiés, et trouvez d’autres alternatives.
  • Soutenez autant que possible les petites entreprises locales.
  • Évitez les destinations très prisées des nomades. Le monde est vaste.
  • Évitez les cafés branchés ou les speakeasies, par exemple, qui sont les mêmes dans tous les pays et qui détruisent un peu les cultures locales.
  • Ne géolocalisez pas les endroits que vous fréquentez sur les réseaux sociaux.
  • Abstenez-vous de vous vanter des économies réalisées sur les réseaux, car c’est bon marché pour vous, pas pour les habitants.
  • Apprenez la langue locale, ne partez pas du fait que les locaux connaissent la vôtre.
  • Soyez conscient que vous n’êtes qu’un invité et efforcez-vous d’améliorer les conditions de vie locales.

Les digital nomads contribuent à la gentrification partout où ils vont. Nous devons en être conscients et essayer de nous comporter de la manière la plus responsable possible. N’oubliez jamais, vous êtes l’invité dans la destination que vous visitez, et le moins que vous puissiez faire est de faire de votre mieux pour ne pas détériorer les conditions de vie des locaux.

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digital nomads et gentrification
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